Ode to Victoria

Concert de Beach House au Trianon,  Paris le 20 novembre 2012

A cette question barbante « Et toi tu as déjà été amoureuse, gnagnagna », je vais enfin pouvoir répondre oui. D’une femme, de son aura, de son génie, pour un soir et pour toujours, en communion avec 1000 personnes. Troisième rencontre d’un autre monde avec Beach House et son univers stratosphérique.


Mardi 21 novembre 2012, 19h30 passé, boulevard de Rochechouart, je cours vers le Trianon retrouver, pour la 3ème fois, Beach House, mon groupe du moment (de la décennie, du siècle ?).

Bref rappel pour les ignorants et autres béotiens : Beach House est un duo américain, composé de Victoria Legrand (nièce de Michel Legrand.  Bon sang ne saurait mentir), grande prêtresse du clavier et chanteuse à la voix unique, et d’Alex Scally, double discret mais non moins essentiel au groupe.

Est-il possible de définir la musique de Beach House ? Autant s’interroger sur le sexe des anges. A mon sens,  ce qui fait l’identité de BH, c’est cette faculté à laisser une totale liberté d’identification, de compréhension, d’absorption, de sensation et autre mot en tion à son auditeur. Selon l’humeur du moment, la phase dans laquelle on est, ce que l’on a vécu, l’écoute se confond exactement avec ce que l’on a envie ou besoin d’y apporter.  BH vit ancré, lové dans son propre cosmos mais laisse la porte légèrement entr’ouverte pour nous ;  Victoria et Alex vivent en autarcie ouverte : ils se suffisent complètement à eux-mêmes, mais sont aussi désireux de partager avec leur public cette imagerie sonore au caractère si personnel. Conséquemment, la musique de Beach House est inclassable mais pour les adeptes forcenés des bacs de la FNAC, on pourra dire qu’il s’agit d’une pop atmosphérique éthérée, guidée et dominée par la voix hors norme de Victoria Legrand.

Une bonne démonstration doit s’accompagner d’exemples concrets :

 

BH était ce soir là à Paris pour la dernière date de sa tournée, cerise inattendue sur le gâteau émotionnel.

D’abord une petite épreuve à endurer : la première partie. Cette espèce de salle d’attente ingrate, ingrate pour l’artiste et pour l’auditoire. Parfois cela se révèle être une bonne surprise. En ce 21 novembre, non. Un certain Holy Other.  Aussi agréable qu’une visite chez le dentiste. Et j’aime beaucoup ma dentiste. Mais quand même. Les garçons qui bougent  la tête en mode autiste au dessus de  leurs platines ce n’est vraiment pas mon truc. Et puis j’attends Victoria.

Rhaaa Victoria ! J’aime tout chez elle, jusqu’à ses cheveux. Les cheveux de Victoria…Si Aragon avait assisté à un concert de Beach House, nous n’aurions jamais entendu parler des yeux d’Elsa.

20h30 la grand-messe peut enfin commencer…Play list parfaite, BH a convoqué tous ses grands enfants malades et torturés. Un constat parmi tant d’autres : leur dernier album Bloom est INCROYABLE (j’ai beaucoup, beaucoup travaillé cette phrase), et prend une ampleur démente sur scène. D’une dimension galactique elles s’échappent, s’élèvent et ne redescendent plus jamais, guidées par la seule voix de Victoria et ses gestes de la main qui semblent diriger la respiration du monde. Les élans de guitares d’Alex participent à la même politique de trompeuse domestication. Ces entités musicales ne connaissent plus de maitres et viennent à nous, et nous les recevons avec ferveur. Les chansons de Teen dream, précédent album,  apparaissent un brin plus timides (je dois avouer une petite déception sur Walk in the park, mon morceau fétiche de Teen dream, qui n’était pas tout à fait à la hauteur mais j’ai un niveau d’exigence énormissime sur Walk in the park). Mais peu importe car le reste est digne d’accompagner cette fameuse fin du monde dont on nous rabat les oreilles.

Et pour finir, Irène,  ma chanson de vie et de mort, ma chanson à la vie à la mort, conclusion parfaite et incontournable.

 

Orgasmiquement démentiel. On ressort sonné, enchanté, désespéré. Rendez-vous est pris pour le 22 mars.

It’s a strange paradise. Indeed.

Anne de Beaumont



Catégories :Bouquins

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